Document de position: La transition numérique dans la formation architecturale (12 août 2019)

Contexte

L’industrie du bâtiment est actuellement responsable de plus de 40% de la consommation mondiale de ressources naturelles, de 40% de la consommation énergétique et de 50% des déblais (1). La raréfaction des ressources, le changement climatique, la démographie et la migration, ainsi que le nombre croissant de parties prenantes et de paramètres dans le processus de conception et de construction lancent des défis supplémentaires pour les architectes et les ingénieurs. Les architectes jouent un rôle crucial dans la conceptualisation du milieu bâti, et il en va de leur responsabilité d’identifier des méthodes et des outils appropriés pour relever ces défis avec succès.

L’histoire de l’architecture montre la proximité entre d’une part le progrès technologique et la science des matériaux, et d’autre part le développement architectural et urbain. L’industrie de la conception et de la construction a toujours bénéficié de la mise en œuvre de la technologie moderne. Aujourd’hui, le potentiel de la transition numérique s’étend de l’utilisation de matériaux plus lean à un urbanisme écologique basé sur l’analyse et le traitement du big data.

Mission

Dans nos sociétés numériques, l’omniprésence des données, de la technologie et de l’intelligence artificielle offre de nouvelles opportunités pour relever les défis de l’architecture contemporaine. Le Conseil suisse de l’architecture croit résolument que les instruments que fournit la transition numérique vont permettre aux architectes d’orienter la conception et la construction, et de contribuer au développement d’un milieu bâti durable qui répond aux critères spatiaux, sociaux, environnementaux et économiques des générations futures. Nous sommes convaincus que les architectes doivent repenser leur approche des processus de conception et de construction et affiner leur prise de décisions en appliquant la multiplicité des paramètres environnementaux et matériels de façon intégrée. C’est pourquoi il est impératif que nous formions la prochaine génération d’architectes de sorte qu’elle soit consciente des défis auxquels nos sociétés dans leur entièreté sont confrontées (2). Nous devons ainsi munir les architectes des compétences adéquates pour relever ces défis de manière efficace et créative, sans compromettre leur compétence et leurs responsabilités esthétiques.

Le Conseil suisse de l’architecture affirme que :

•    La formation architecturale doit fournir en priorité de fortes compétences et des connaissances spécialisées aux étudiants. Elle doit inciter les étudiants à explorer et à expérimenter en utilisant la conception, les outils et les processus de fabrication, aussi bien analogues que numériques.

•    Les étudiants en architecture doivent avoir l’opportunité d’explorer le potentiel des outils et processus de conception, de fabrication et d’évaluation les plus modernes, tels que la fabrication numérique, la conception et l’évaluation informatiques. Mais les étudiants doivent aussi avoir accès aux technologies émergentes comme l’intelligence artificielle, la réalité augmentée et virtuelle, l’apprentissage automatique et le big data.

•    Les outils numériques nous permettent de gérer la complexité, de travailler sans heurts et dans le dialogue avec un nombre croissant d’experts, et nous aident à remplir notre mandat d’architectes. La transition numérique permet aux architectes d’être plus efficaces dans leur travail interdisciplinaire et de traiter simultanément une multitude de critères à travers le processus de conception et de construction. En tant que telle, la transition numérique représente une opportunité pour les architectes de revendiquer leur position cruciale dans l’industrie du bâtiment et dans la société.

•    Une culture interdisciplinaire dans l’enseignement engendre des approches innovantes et redéfinit le sens et l’impact de la transition numérique. Engager activement des technologies contemporaines comme média d’un raisonnement stratégique et interdisciplinaire permet aux étudiants de remettre en question de manière critique leur contribution à l’architecture et au processus de construction.

•    La transition numérique dans la formation architecturale et dans l’industrie du bâtiment doit servir à perpétuer et améliorer la culture suisse de l’architecture, forte et distincte, et contribuer à atteindre les plus importants objectifs de notre société : minimiser la consommation de ressources, utiliser l’espace dans un souci d’économie et d’efficacité, et fournir des conditions de vie et de travail meilleures et aussi plus sûres (3).

•    Attendre de la formation architecturale qu’elle puisse dispenser si bien des aspects inhérents à la discipline que l’exploration d’outils et de méthodes variés et changeants dans un cursus de 5 ans est peu plausible. Les écoles suisses d’architecture doivent fournir davantage de possibilités d’apprentissage tout au long de la vie pour des architectes en exercice afin qu’ils puissent étendre leur savoir sur une base existante, acquérir de nouvelles compétences et perspectives, et se spécialiser pour devenir des experts dans les différentes branches de leur profession.

•    Pour la transition numérique, il est nécessaire que les écoles d’architecture disposent d’une large panoplie d’éléments didactiques incluant l’expertise, la connaissance et une infrastructure de pointe. Un réseau puissant et actif entre les universités techniques et les universités de sciences appliquées offrira aux étudiants un cursus pertinent et diversifié et contribuera à poursuivre le développement des qualités spécifiques de l’architecture suisse.

Conclusion

La transition numérique est en train de changer le processus de construction. Les écoles suisses d’architecture doivent intégrer la transition numérique dans la formation et la recherche académiques sans abandonner la compétence primaire de la profession : la responsabilité dans le façonnage des aspects qualitatifs et intellectuels de l’espace. Le Conseil suisse de l’architecture reconnaît la responsabilité de la formation architecturale en adaptant activement les profils professionnels des architectes au changement de paradigme créé par l’infrastructure numérique. Les écoles suisses d’architecture ont une place de choix pour relever les immenses défis auxquels les générations futures et nous-mêmes faisons face.

1 (Office fédéral de l’environnement OFEV 2018)
2 (Union International des Architectes (UIA) 2017)
3 (Office fédéral de l’environnement OFEV 2018)